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Les combats après le cessez-le-feu du 25 juin 0h35



Fil ouvert par bltedouard ( 82 ) - Posté le 26/06/2023

Bonjour à tous,

Est-ce que des ouvrages ou des casemates ont continué d’ouvrir le feu causant des pertes côté allemand et italien après l’application du cessez-le-feu à 0h35 le 25 juin 1940 ?

Merci beaucoup pour votre aide,
Bien cordialement.


Réponse de jolasjm ( 6954 ) - Posté le 26/06/2023

Bonsoir

Quel est votre avis sur la question ?

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 26/06/2023

Mon avis ?

Je pense que des ouvrages et des avant-postes isolés ont pu poursuivre le combat et continuer d'interdire le passage qu'ils défendent après le cessez-le-feu.


Réponse de jolasjm ( 6954 ) - Posté le 27/06/2023
Dernière modification par jolasjm le 27/06/2023.
Bonjour,

Les ouvrages n'ont pas "continué le combat" après l'heure de l'armistice. Ils se sont dans 99% des cas mis en "position d'attente" en maintenant leur intégrité. Ils ont surtout veillé à ce que les positions tenues par les deux camps restent figées jusqu'à négociation des conditions d'évacuation et/ou réception d'ordres officiels. De plus, aucun ouvrage ou même avant poste n'a - hors erreur ou ignorance - causé de perte allemande ou italienne après l'entrée en vigueur de l'armistice pour autant qu'on sache (c'était cela votre question, et concernant celle-ci la réponse est claire).

La raison à cela est toute simple : soit les ouvrages avaient déjà été pris ou évacués avant l'armistice (Maubeuge, Escaut, Montmédy, une partie des secteurs de Faulquemont et Rohrbach, AP du Chenaillet dans les Alpes), soit ils avaient pratiquement tous reçus par radio l'information comme quoi l'armistice avait été signé et entrait en vigueur le 25 à 0h35 et se sont donc mis en situation d'expectative et d'attente de directives.

Partant de 0h35, il y a eu plusieurs cas de figure :
- Les ouvrages étaient au courant de l'armistice et ont attendu les ordres français en s'efforçant de maintenir le front figé et en refusant tant que possible les approches de négociateurs ennemis. Il n'y a pas eu échange de coup de feu dans ces cas là, mais uniquement dans certains cas menace de le faire si l'Allemand ou l'Italien s'approchait trop. Cet ordre de remise des ouvrages venant de l'état-major français via la commission d'armistice leur fut apporté par le Col Marion et les Lt-Col Simon et du Souzy entre le 29 et le 30 juin 1940. Cela a été le cas de l'est de la RFM, et de la RFL. Ces ouvrages "tenaient" mais ne combattaient pas. On ne peut que saluer leur conscience professionnelle et leur sens du devoir.
- Certains ouvrages étaient au courant de l'armistice et ont décidé de négocier leur sortie directement avec les Allemands. Ce fut le cas des secteurs de la Crusnes et Thionville. Quand le colonel Marion arriva pour donner l'ordre d'évacuation il ne put que constater le fait que les ouvrages avaient déjà été transférés aux Allemands depuis plusieurs jours, sans combat ni difficulté particulière. Pour parler familièrement : le commandement de ces ouvrages était allé plus vite que la musique. Surement pensant bien faire.
- De rares ouvrages (ou AP plutot) n'avaient pas reçu la nouvelle de l'armistice : dans ce cas pratiquement unique - on n'en connait qu'un : l'AP de Pont Saint Louis - il y a bien eu "coup de feu" après 0h35 mais sans faire de victimes. Dans ce cas précis, les Italiens informèrent les défenseurs de l'armistice et des officiers de liaison français apportèrent les ordres officiels d'évacuation vers 8h. Ceci constitue un cas à part qui est plus le résultat de l'ignorance des circonstances que de la volonté de prolonger sciemment et délibérément le combat au-delà du cessez-le-feu.

La totalité des ouvrages des Alpes - AP compris hors Pt St Louis et le cas particulier du fort de l'Ecluse dont je parlerai + bas - ont été évacués pacifiquement sans qu'il n'y ait eu de combat après 0h35 le 25. A l'inverse du nord-est, ces ouvrages n'ont pas été occupé par les italiens initialement puisque ces ouvrages restaient en main française dans la zone démilitarisée de 50 km définie par les conditions d'armistice avec l'Italie. Les Italiens se rattraperont en novembre 1942...
Pour être complet concernant ce théâtre, certaines unités italiennes ne furent pas informées de l'armistice dans la soirée du 24 du fait de leur isolement en montagne. On connut alors en effet quelques cas où les Alpini tentèrent des descentes vers les positions françaises le matin du 25, mais elles furent pacifiquement - mais fermement - arrêtées par les défenseurs français qui leurs expliquèrent la réalité des circonstances et la nécessité pour eux de retourner sur la ligne atteinte à 0h35 conformément aux clauses. Encore là, il n'y eut pas de combat sciemment ordonné.

Le cas du fort de l'Ecluse est le seul où les affaires faillirent mal se finir et où les défenseurs se firent accuser de "résistance" au point que cela remonta au plus haut niveau des états-majors et de la commission d'armistice :

Le 25 Juin 1940, le fort est toujours aux mains françaises et non encerclé. Son effectif aurait du être évacué avec les honneurs, avec retour de ses occupants vers la zone française... A 0h35, heure de l'armistice, les ordres donnés aux défenseurs sont clairs : chacun - allemand comme français - doit rester sur ses positions et n'en point bouger jusqu'à nouvel ordre. Dés les jours suivants, et malgré une entente locale d'application de cette règle avec les troupes allemandes basées à Bellegarde, plusieurs détachements et/ou individus ennemis demandent la possibilité de traverser le fort "pour aller visiter Genève"... Ces demandes sont poliment rejetées par le Cne FAVRE (179° BAF) conformément aux ordres, et sans que la partie adverse n'en prenne ombrage plus que nécessaire en tous cas initialement.

Le 2 Juillet, le fort reçoit un ultimatum du commandement local Allemand : indépendamment de toutes les autres règles qui demeurent applicables, les Allemands "exigent" la libre circulation à travers le fort... dans les deux directions. Cette note se voit opposée une fin de non recevoir, après consultation avec le commandement du secteur et de l'armée des Alpes, qui confirme les ordres précédents.

Cette attitude leur vaut du côté Allemand le statut de "troupe résistant au-delà de l'armistice", ce qui est potentiellement un cas de rupture de l'armistice (article 24 de celui-ci)... Ce cas est traité par une mention spéciale lors des discussions de la commission d'armistice : sur ordre de celle-ci - apporté par un officier français dépêché sur place par la commission, le Chef de Bataillon REA - ils seront internés malgré le fait que le fort n'ait jamais été encerclé malgré le repli des défenseurs du Rhône...
Au passage et de façon plus générale, il est tout à fait évident que si les allemands ou les italiens avaient eu à subir une "résistance" au delà de l'armistice, les choses se seraient très mal passé au niveau de cette commission et il est probable que le conflit aurait repris, ce qui n'a pas été le cas bien sur, preuve s'il en est que la façon dont se passait les choses dans le nord-est et côté Alpes était parfaitement acceptable par les vainqueurs d'alors.


Le 3 Juillet, devant le CB REA et les troupes allemandes, l'équipage du fort quitte pacifiquement les lieux vers la captivité. Cet incident suscite les protestations véhémentes du Gal OLRY qui écrit directement au Gal HUNTZIGER - chef de la délégation française de la commission d'armistice - dés le 4 Juillet 1940 pour demander le retour de la Cie FAVRE, sans succès.

Pire : non seulement les défenseurs sont internés alors qu'ils n'auraient pas du l'être, mais en plus les demandes de récompenses sont sèchement rejetées en septembre 1940 par la commission des récompenses... Ce second outrage vaut à HUNTZIGER (maintenant secrétaire d'Etat à la défense) une seconde lettre du Gal OLRY, qui ce coup ci fait mouche. La décision prise par la commission est annulée, et l'effectif du fort est cité en novembre 1940 à l'ordre de l'armée pour sa défense victorieuse.

Bref, et pour résumer : non, il n'y a pas eu (à part la paire de cas cités qui sont le résultat de l'isolement et/ou de l'ignorance des événements) d'acte de "résistance" et de combat sciemment ordonné après 0h35 le 25. C'est inexact ou exagéré de dire cela. Il demeure néanmoins vrai que les ouvrages encore occupés ont - sauf les évacuations négociées hors de tout cadre directement et un peu vite dans la Crusnes et Thionville - déployé tous les efforts possibles pour attendre, en ordre et avec dignité, les ordres officiels réglant leur sort. Le front s'en est trouvé pour l'essentiel figé, sans heurts ni incidents sérieux.

Un excellent article de Alain Hohnadel et Jean-Yves Mary dans "39/45 magazine" n°234-235 de mai-juin 2006 fait une revue de ces circonstances post cessez-le-feu, et je ne peux que vous engager à lire ou relire le livre de Roger Bruge "On a livré la ligne Maginot" (Fayard 1977) pour vous permettre d'aller au-delà de la simple "impression" vraiment et sérieusement au fond des choses sur ce sujet.

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 27/06/2023

Merci beaucoup pour votre réponse.


Réponse de MAXI ( 3 ) - Posté le 27/06/2023

Bonjour à tous.
Selon certaines sources françaises (Azeau et Demouzon) une patrouille d'alpini (qui ne connaissait pas la nouvelle de l'armistice) aurait avancé le 25 juin de Séez vers Bourg-Saint-Maurice, bloqué par le feu de l'ouvrage de Versoyen. Il y aurait eu un mort et deux blessés.
En effets j'ai pu controller les documents officiels italiens: un alpino du bataillon "Val Cismon" a été tué à proximité du pont sur le Reclus, vers 15,00 heures (il y avait une heure de différence entre France et Italie) du 25 juin, et j'ai trouvé son acte de decès. Il s'agit de l'alpino Franzoia Giovanni. du 7 ème régiment d'alpini.
Cordialement.
Massimo R.


Réponse de jolasjm ( 6954 ) - Posté le 28/06/2023
Dernière modification par jolasjm le 28/06/2023.
Bonjour Massimo

Cela rentre dans la catégorie relative aux unités italiennes non informées de la fin du conflit que je citais + haut. L'incident tragique que vous mentionnez relève des exceptions au fait que l'armistice s'est généralement mis en place de façon ordonnée. C'était une mort inutile de plus entre deux pays antérieurement alliés et liés sur les Alpes par une histoire commune.
A noter qu'un incident similaire s'est déroulé en Maurienne, et est lui aussi raconté par Laurent Demouzon ; le 25 au matin, deux compagnies du bataillon italien Val Dora - non informées de la fin des hostilités - descendent de la frontière vers Charmaix avec pour objectif d'atteindre Modane. Leur progression se déroule sans résistance ni bombardement français, et pour cause... Arrivés au niveau des lignes françaises en avant du Charmaix, ils sont arrêtés par une délégation d'officiers français avec drapeau blanc qui leur explique que le conflit est terminé. Les choses en resteront là, pour le coup sans pertes. Les blessés et gelés italiens seront soignés sur place par le personnel médical français et des médecins italiens du bataillon. Les plus gravement atteints seront soignés aux hopitaux de Modane et St Jean de Maurienne puis retourneront en Italie. Un autre détachement, du 91° RI italien, entend lui aussi atteindre le Charmaix ce 25 juin matin. Ils seront eux arrêtés en route par une rafale de mitrailleuse au-dessus de leur tête et l'officier français sur place les menacera de faire tirer l'artillerie si ils continuent leur progression. Cela suffira à arrêter cette tentative. Les valides du bataillon Val Dora et du 91° RI retourneront le lendemain après négociation en Italie par là où ils étaient venus, c'est à dire la pointe de Fréjus.

Ce sont des événements isolés, et il y en a eu certainement d'autres. Mais dans tous les cas ils étaient avant tout le résultat de l'ignorance des circonstances mais jamais celui d'une volonté de "continuer le combat" ou faire oeuvre de "résistance".

Ces malentendus n'ont duré qu'une journée ou moins, le temps que les ordres arrivent et que les circonstances soient clarifiées. Rien à voir avec les records atteints par nombre de militaires japonais (la littérature dit environ 150 individus) qui continuèrent la seconde guerre mondiale isolés sur leurs petites iles du Pacifique - ignorant la fin du conflit ou refusant d'y croire -, pour certains jusqu'à 30 ans après l'armistice !

Cordialement
Jean-Michel


Réponse de serederivieres06 ( 168 ) - Posté le 28/06/2023

Bonjour , un autre exemple concerne une unité du 34° RI Italien en Tinée (secteur de la 65° DI).
Celle-ci n'ayant pas été informée de la fin des hostilités attaqua le PA du Tolondet durant la nuit.
Les SES du 18° BCA et I/203° RIA s'y croyaient en sécurité depuis 0h35 et en raison de la pluie s’étaient mises à l’abri dans des granges.
Les Italiens jetèrent des grenades par portes et fenêtres (1 Alpin de la SES 18° BCA fut très grièvement blessé (et décéda en 1941),d’autres blessés. Les français réagirent (en particulier l’artillerie) et repoussèrent les assaillants de l'autre côté de la Tinée.

Cordialement
Marc


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 28/06/2023

Merci pour votre réponse, est-ce que vous avez un bilan de l’assaut italien repoussé sur la Tinée ?


Réponse de serederivieres06 ( 168 ) - Posté le 28/06/2023

D'après le service historique de l'Armée Italienne, le 34° RI aurait eu 7 morts et 15 blessés durant l’offensive.
Cordialement
Marc


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 28/06/2023

Merci beaucoup, c’est cher payé, pour un jour de cessez-le-feu.


Réponse de serederivieres06 ( 168 ) - Posté le 28/06/2023

Il s'agit du nombre pour la totalité de l'offensive, il n'y a pas de détails concernant cet événement.


Réponse de MAXI ( 3 ) - Posté le 28/06/2023

En rapport à l'épisode du PA du Tolondet, (Tinée), selon mes recherches sur les actes de decés, il y a eu seulement un soldat italien décedé; c'est un fantassin du II/34° RI de la division "Livorno", atteint par un éclat d'obus.


Réponse de serederivieres06 ( 168 ) - Posté le 29/06/2023

Merci pour cette précision, les sources Françaises concernant les pertes Italiennes sont souvent surévaluées.
Cordialement
Marc


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 25/10/2023

https://wikimaginot.eu/V70_glossaire_detail.php?id=1000586

Bonjour, est-ce que vous en savez plus sur ces événements ? « Entre le 26 et le 30 Juin, les positions sont figées en attente des ordres concernant les troupes encerclées. Une tentative de traversée allemande du Rhin le 26 devant Fort-Louis, pour prendre possession des casemates, est fermement repoussée »

Et un échange de tir : « le cessez-le-feu intervient à partir de 1h30. Quelques coups de feux sont cependant tirés sur des ennemis "prompts à la fraternisation" avec les éléments aux avant-postes à Seltz. »


Merci beaucoup.


Réponse de jolasjm ( 6954 ) - Posté le 25/10/2023

Bonsoir

Lire pour plus de détail les archives du 68° RIF. Il faut se rappeler que dés le 25 à 0h15, le Lt-Col Schwartz, commandant les troupes sur place du SF de Haguenau avait formellement ordonné à ses troupes de tenir les positions du 25 à 0h35 intactes et de n'accepter aucune tentative de traversée ou de négociation locale jusqu'à clarification avec l'EM français. Ceci explique tous les événements des 25 au 30 juin.

Le premier incident relevé est une tentative de traversée par des Allemands le 26 à 10h sur un canot motorisé devant la casemate de Fort-Louis Ouest. Devant l'injonction ferme du cdt de casemate, le S-Lt Elchinger (probablement avec menace d'ouvrir le feu), le canot fit demi-tour et regagna la ligne allemande. Noté dans le JMO du III/68° RIF. Un incident du même type se reproduit le 30 juin, avec le même résultat.

Le second est une simple tentative de fraternisation par des soldats allemands venant du nord vers Seltz qui fut arrêtée par des coups de feu au-dessus de la tête des imprudents. Les Allemands repartent dans leurs lignes sans autres pertes qu'une grosse frayeur. Source : rapport du Cne Bourgeois, commandant du quartier Rhin.

Cdlt
Jean-Michel


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 15/11/2023

Merci beaucoup



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