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Pourquoi une ligne Maginot aussi faible dans le Nord ?


Fil ouvert par bltedouard ( 82 ) - Posté le 14/11/2023

Bonjour à tous,

Si les généraux français s’attendaient à une attaque allemande en Belgique pourquoi les Fortifications du nord de la France sont minces comparativement à l’Alsace où les Alpes ?

Merci d’avance pour votre réponse.


Réponse de jolasjm ( 6954 ) - Posté le 14/11/2023
Dernière modification par jolasjm le 14/11/2023.
Bonjour

Les raisons doivent être remises dans le contexte stratégique, économique et politique de l'époque.

Le ligne Maginot a été conçue fin des années 20 pour 3 raisons :
- parer à une attaque surprise et non annoncée par une déclaration de guerre,
- couvrir le pays le temps de la mobilisation,
- servir de base de départ à une éventuelle offensive en territoire ennemi.
Le tout avec un budget qui - bien qu'important - n'était pas infini. Il a donc fallu faire des choix, qui ont consisté à privilégier les régions fortifiées (Metz-Lauter) les plus proches de la frontière allemande. Le nord a bien été considéré par la CDF dans son travail global mais a été considéré comme non prioritaire, comme la région fortifiée de Belfort. Cela tout simplement parce qu'on considérait que la Belgique nous protégeait d'une attaque surprise et résisterait bien aux Allemands le temps qu'on mobilise ! Pour faire simple : à cette époque la ligne Maginot du nord n'était rien d'autre que la Belgique...

Seules les casemates de Raismes et Mormal sont construites à cette date - sur le tracé initialement prévu par la CDF et corrigé par Pétain lui-même - probablement pour calmer les inquiétudes politiques locales.

Les choses changent au milieu des années 30... La Belgique se rapproche progressivement d'une stricte politique de neutralité (effective officiellement en 1936), rendant son statut de "glacis protecteur" moins certain. L'Allemagne est maintenant nazie et de plus en plus menaçante : elle rétablit la conscription en 1935 et se réapproprie militairement la Rhénanie en mars 1936. L'EM se convainc donc - mais uniquement à partir de ce moment - que la protection de la frontière du nord devient clairement nécessaire, tout comme d'ailleurs la défense face à la Suisse autour de Bâle pour les mêmes raisons de doute sur le respect de la neutralité Suisse par l'Allemagne. Il est déjà bien tard...

La volonté de fortifier est donc bien là (elle a d'ailleurs débuté par la création des nouveaux-fronts sur l'Escaut et Maubeuge) sauf qu'une autre dimension prend le pas : la dimension économique !
La France est touchée de plein fouet dés 1932 par la crise financière américaine de 1929. Dévaluation du franc en 1934, grave déficit public, hausse des impôts, valse des gouvernements propre à la 3e république... L'état ne peut pas faire autrement que de diminuer la dépense publique, couper les budgets militaires et transférer les priorités sur le réarmement (nouvelles générations de chars, aviation...), etc. Parallèlement la CORF est dissoute, son travail sur les anciens fronts étant considéré comme achevé.
Bref : plus de sous, plus d'organisme concepteur et régulateur, ... et transfert de la responsabilité de la fortification des frontières aux régions militaires locales, mais avec des moyens restreints.

Intervient alors un autre choc politico économique : lassée par les échecs successifs des gouvernants précédents, l'opinion publique bascule à gauche, ce qui se traduit par l'arrivée du Front Populaire aux législatives de mars 1936. Les lois sociales qui suivent se traduisent par un fort renchérissement du cout de main d'œuvre. Conséquence : pour le même budget on construit moins... et quand en plus le budget baisse, on passe en mode "bricolage" qui caractérisera la période "MOM". Plus question donc de construire où que ce soit quelque construction de type CORF que ce soit, sauf à terminer ce qui a été commencé.

Donc la fortification camelote que vous évoquez devient la norme partout et pas que dans le nord ! Le nord étant arrivé après, il n'a juste pas eu le temps de profiter de la période faste qui a bénéficié aux zones prioritaires comme évoqué en introduction.

Il faut néanmoins nuancer l'appréciation négative que vous pouvez avoir des fortifications du nord. Dans le marasme général lié aux conditions politico-économiques de l'après-1934 et à l'anarchie de l' "ére-MOM", cette région a été plutôt favorisée (blocs type 1° Région militaire après 1936 qui sont pas si ridicules, môles STG de Maulde et des Monts qui sont respectables en termes de réalisation, nouveaux fronts auquels il ne manque que l'artillerie qui était prévue au départ pour être pas si loin de la puissance de la RFM/RFL ou des Alpes...). C'est juste que les autres facteurs externes évoqués n'ont pas permis de finir le boulot correctement. Mais dans le fond, la 2° Région Militaire (Ardennes - Meuse) a été bien plus mal traitée que le Nord.

Objectivement, le SF de Maubeuge n'est pas pire que le SF de Faulquemont, qui faisait pourtant partie des fronts prioritaires ! Maubeuge a même bénéficié de la technologie et des améliorations des "nouveaux fronts" (cloches GFM type B, etc) ce qui n'était pas le cas à Faulquemont avant le début de conversion des cloches et tourelles de ce secteur... Et les Eth, Boussois, Maulde, ou autres Salmagne n'ont pas subi un sort moins enviable que la Ferté, Kerfent, Bambesch ou Haut-Poirier et cela pour exactement les mêmes raisons...

J'espère que ceci apporte réponse à votre questionnement.
Jean-Michel


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 14/11/2023
Dernière modification par bltedouard le 14/11/2023.
Merci beaucoup pour votre réponse, juste une petite précision, le fort de Maulde a été pris par les allemands après son évacuation quasiment intacte, les dégâts causés par les obusiers de 305mm ont secoué les parties bétonnées des années 30 et saccagé les parties du Fort Serré de rivières mais aucun membre d’équipage selon mes informations, n’est décédé seulement quelques blessés légers donc on va dire que par rapport à Eth et la Ferté, les choses se sont déroulaient comme prévu.

Le manque de tourelles d’artillerie va malheureusement se faire ressentir dans le secteur de l’Escaut, on ne peut qu’imaginer ce qu’il se serait passé avec un petit groupe d’ouvrages pouvant se couvrir mutuellement au 75mm ou au 135mm, en 1940 le fort de Maulde va assumer le support d’artillerie quasiment à lui tout seul.


Réponse de Poliorb26 ( 113 ) - Posté le 15/11/2023

Un petit complément d'information.

C'est tout à fait juste d'écrire "Pour faire simple : à cette époque la ligne Maginot du nord n'était rien d'autre que la Belgique..."

En effet, la Belgique mène la même réflexion que la France dans les années 20 et décide :
- de construire 4 forts modernes (EBen-Emael, Aubin-Neufchâteau, Battice et Tancrémont - le 5e à Sougné-Remouchant ne sera jamais construit - manque de crédit ?)
- de moderniser quelques forts de 1888 à Liège comme Barchon, Chaudfontaine, etc
- d'entourer Liège de plusieurs lignes de défense successives (les PFL) de valeurs inégales.

Aubin-Neufchateau et Battice se sont rendus après une lutte acharnée, en épuisant leurs munitions et comptant aussi de nombreux morts - je pense ici en particulier au coffre extérieur n° I de Battice. A Chaudfontaine, aussi de nombreux morts, je ne peux tout citer.
Tancrémont fut, lui, le Fermont Belge, en continuant à se battre après l'armistice.


Pour l'anecdote, suite au choix d'une neutralité stricte en 1936, quelques gros blockhaus ont été construits face à la France, entre-autre à Libramont-Recogne. Certaines casemates "Devèze" autour de Neufchâteau ou de Saint-Hubert par exemple, pouvant "servir" tant face à la France que face à l'Allemagne.

Tout cela pour dire que lors de sa conception dans les années 20, le concept Français pour la frontière avec la Belgique était cohérent.

Cordialement
Marc (le Belge)


Réponse de bltedouard ( 82 ) - Posté le 15/11/2023

Merci pour votre réponse



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